"Le retour au pays" 
de Pol PERSON 
 
Saint-Hilaire le Grand
   
     En permission exceptionnelle à Fagnières, juste après avoir été exposé au feu ennemi à Juvincourt et dans la sape des Vestales, Pol PERSON alors soldat, profite de son passage en champagne pour venir voir son village situé en pleine zone de combat. Il découvre avec émotion sa maison détruite et son bonheur perdu. 
 
     Mardi 12 juin 1917. Nous partons à 9 h00 Fernand et moi, et nous voici sur la route de Jonchery, que je n'ai pas vue depuis 3 ans ; à gauche, les baraquements innombrables ; voies de chemin de fer ; plus de moulin de la Foulerie, ni les bois. Traversons deux lignes chemin de fer en construction, cimetière à la limite du camp, guitounes abandonnées, la Fosse transformée en jardin et habitée par état major. Jonchery, détruit, plus que des ruines, à part quelques maisons, l'église encore intacte, un cimetière dans le jardin de ma belle-mère, 14 tombes. Personne dans le pays, partout des ruines, chez Jules(ie?) Macquart, plus rien du tout, l'herbe pousse partout, seul le moteur reste où était l'atelier. Route de Saint-Hilaire très belle, arbres fort poussés, partout des foins magnifiques, vois le restant de ma batteuse sous quatre colonnes de la Grange Noblin, puis ce n'est plus que ruines, partout ruines, cette fois c'est complet, il y a une grande différence avec ce que j'avais vu le 1er avril 1916, à ce moment, il y avait encore des maisons debout, cette fois ce qui reste est innommable, tout est broyé, trous d'obus énormes partout, c'est à peine si je reconnais les rues. 
 















 
 
L'église de St Hilaire le Grand 
 
     Je pousse jusqu'au cimetière Saint-Médard. Tout le chemin troué par les obus, herbes partout, au cimetière rien de trop brisé, à part la chapelle qui est effondrée, je retrouve sans difficulté, nos tombes intactes, adresse une prière à nos père et mère bienheureux de ne pas voir ce désastre et à quoi à servi leur travail de toute leur vie, qu'ils nous protègent tous au milieu de cette vie de misère et je pense que beaucoup sont enterrés loin de St Médard, en exil par cette maudite guerre 
 
Je reviens aux ruines, remonte ce qui était la rue Canart, c'est un chaos indescriptible, la maison d'Ernest broyée, celle de mon père, pulvérisée. Des trous d'obus immenses partout, quelques colonnes encore debout, même les pans de mur sont culbutés et rasés, on voit que le pays a été battu par l'artillerie allemande, sans arrêt, ce n'est que trous d'obus de tous calibres et tous nouveaux, il ne fait pas bon dans ces ruines, remontons la grand rue, rien que des ruines, des soldats sous la loge de Pol Tocut nous disent que quelques jours plus tôt, nous n'aurions pas osé entrer au pays, que le bombardement était intense. 
 
 















 
Ruines, rien que des ruines 
 
     Je retourne faire un tour, formidable tas de cailloux où était la maison de Joseph Gérard. Des bourgs, plus rien, à part quelques ruines, puis des trous d'obus, puis je retourne, remonte la route de Souain, ruine et ruine, plus rien, de ma maison, plus rien du tout, les murailles de la grange de la rue comme je les avais vues voici 15 mois. Le jardin retourné, tous les bâtiments en ruine, plus rien. C'est terrible de voir cela, et ne peux m'empêcher de pleurer, pourquoi ces ruines et cette misère, alors que nous devrions être si heureux, tous, ma femme et mes gosses qui ne manqueraient de rien au lieu d'être en exil dans un pays de sauvages. 
 
 
 















Pourquoi ces ruines et cette misère!... 
 
     Le moulin Bouvet encore debout, mais quittons ces malheureuses ruines, où il ne fait pas bon séjourner trop longtemps, le spectacle nous le dit, puis à deux heures, nous quittons nos pauvres pays qui sont anéantis et rentrons à Fagnières satisfaits de notre voyage ayant pour but de nous rendre compte exactement de ce qui subsistait de ce que nous possédions et vois bien que jamais nous ne retournerons là bas.