Miss SMALLEY  Infirmière Américaine, Bouy

    

 Miss Evelyn Garnaut Smalley est née à Londres le 29 avril 1869, de parents américains. Elle arriva en France avec les détachements de « l’Y.M.C.A. » (Young Men’s Christian Association - Association de jeunes chrétiens) qui accompagnait le corps expéditionnaire des Etats-Unis. Des Foyers du Soldat avaient été créés et installés dans les gares. 
 
     Là, les nombreux qui y transitaient trouvaient pour un prix modique : toilettes, repas, denrées, menus et objets de première nécessité. Il en existait de plus avancés, à la limite de la zone des combats. C’est dans l’un d’entre eux, à Bouy, que nous trouvons Miss Smalley qui, pour bonne règle de l’administration, était attachée au « Service du Trésor et Postes aux Armées ». 
 
     Voici comment la décrivait le Colonel Valin, alors payeur principal : « Le 4 juillet 1917, je venais à la tête de mes services m’installer à Bouy. A peine étais-je arrivé que je recevais la visite du major de cantonnement qui m’informait qu’il m’appartenait de prendre le soir même la parole, au Foyer du Soldat, tenu par une américaine. On y célébrait l’anniversaire de « l’Independance Day ». Ce fut ma première rencontre avec Miss Smalley. Je la verrai toujours à l’issue du spectacle s’avancer sur la petite scène dans sa robe blanche, cette robe quasi légendaire qu’elle portait avec un cachet tout particulier et qui tenait le milieu entre la tenue d’infirmière avec sa coiffure bleue et celle d’officier avec son baudrier. Elle avait entre les mains un large drapeau tricolore. Elle parla. Dès les premiers mots, je fus saisi d’émotion et de respect. Je compris quel cœur ardent battait dans sa poitrine, combien était sincère son amour pour la France ». 
 
     Cœur ardent en effet, pour elle rien d’autre ne comptait que ce qu’elle appelait son devoir, devoir non imposé par l’obéissance à un règlement, mais devoir accompli par un engagement de tous les instants au service de ceux qui combattaient. Elle prenait à peine le temps de manger, de dormir. On la voyait de jour et de nuit sur les trajets des colonnes de soldats qui gagnaient les tranchées pour la relève. Elle leur distribuait, avec le geste d’une mère : boissons, tabac et friandises. Aux heures d’accalmie, dans un cantonnement sommaire qu’elle avait su rendre accueillant, chacun pouvait trouver une chaude ambiance, quasi familiale. Il émanait de sa personne une aura de douceur, de générosité propre à dissiper le « cafard », ce second ennemi du « poilu ». 
 
     Il y avait, aussi et surtout, les jours sombres, les nuits d’angoisse, le village n’était pas à l’abri des obus. Ainsi, la nuit du 30 au 31 mai 1918, Bouy subit un violent bombardement. Civils et militaires se terraient dans les abris, Miss Smalley, elle, courait de l’un à l’autre, secourait les blessés, apportant provisions et pansements, consolait les enfants. Lorsque s’intensifièrent les bombardements et qu’il fut nécessaire de vivre, en permanence, sous terre, Miss Smalley resta à son poste, dans sa baraque « Adriant ». Une nuit, un obus de gros calibre éclata à proximité, la criblant d’éclats… On retrouva Miss Smalley indemne dans l’alvéole qui lui servait de chambre. Comme le dira le Colonel Valin, déjà cité : « Elle avait été épargnée comme le fut la statue de Jeanne d’Arc à Reims ». 
 














  
Miss SMALLEY et le Général GOURAUD déposant une gerbe à la Ferme de Navarin 
 

     La bataille du 15 juillet 1918 approchait. Le Général Gouraud visitait ses Corps d’Armées pour une ultime mise au point de la tactique qui allait faire échec à la Friedensturm Allemande. Le Général Pont, qui commandait le 4è C.A. depuis son P.C. de Livry-Louvercy, lui dit : « Peut-être pouvez-vous faire un détour par Bouy, où il y a une américaine qui paraît un peu isolée ». Le Général passa par Bouy. A sa question « Dois-je rester ou me replier ? », il lui dit que la bataille allait se dérouler bien au nord et qu’elle pouvait demeurer sur place « l’ennemi ne viendra pas ». Or, lorsque dans la nuit du 14 au 15 débuta la préparation d’artillerie ennemie, des obus tombèrent sur le village. Le « Service du Trésor et Postes » fut atteint et reçut l’ordre de se replier. Mais Miss Smalley refusant de se conformer à l’ordre donné répondit fièrement : « Non, je reste, le Général Gouraud m’a dit de rester ». -« Mademoiselle, c’est une consigne générale pour l’ensemble de l’Armée, vous devez marcher avec nous ! » -« Non ! Le Général Gouraud me l’a dit à moi-même ! Mon devoir est de rester ici et je reste ! » Et elle resta. 
 
     Tandis que le bombardement continuait, on vint la chercher pour un soldat blessé. A peine était-elle sortie de la maisonnette qui l’abritait qu’un obus tombait, criblant d’éclats sa demeure mais, une fois encore, elle était indemne. Puis ce fut le 30 septembre, jour où la gare subit un bombardement aérien : ligne à haute tension coupée, camions chargés d’explosifs qui sautaient, incendies qui se propageaient, cinq tués, vingt blessés graves… 
 
     Traversant la zone de feu, Miss Smalley se porta au secours des blessés, assurant les premiers soins et contribuant à leur évacuation. « Il serait juste de récompenser cette femme de mérite qui est ici la noble incarnation de notre allié d’Amérique » peut-on lire dans la rapport établi par le Major de cantonnement de Bouy, à l’occasion de ces évènements. 
 
     Elle quitta cependant, et de gaieté de cœur, son Foyer de Bouy, mais c’était pour accompagner ses « chers soldats » dans leur marche victorieuse, utilisant les moyens de transport les plus divers et aussi à pied. 
 
     La guerre finie, Miss Smalley occupa différents postes en Rhénanie, puis revint en France pour fonder et diriger le « Foyer des Soldats Français » de La Tour-Maubourg à Paris. C’est là, dans la cour d’honneur des Invalides, qu’elle reçut en 1923, du Général Gouraud, la croix de la légion d’Honneur, suprême récompense pour une œuvre de charité et d’apostolat patriotique déjà attestée par trois citations et la Croix de Guerre. 
 
     Fidèle aux cérémonies de l’Arc de Triomphe et aux pélerinages aux Monuments aux Morts des Armées de Champagne, elle jouissait d’une grande popularité auprès des anciens combattants. Elle s’éteignit le 23 mars 1938 et fut inhumée à Bouy. « Je veux être enterrée ici, c’est là ma dernière et plus chère volonté », avait-elle demandé. 
 
Référence: Site de Bouy