Les Canonniers-marins 
 

1915 - 1918 DES MARINS EN CHAMPAGNE

   
NOTE LIMINAIRE  
   Les deux bulletins "ASMAC"de janvier et juillet 2001 ont traité d'un aspect inattendu de la Grande Guerre en Champagne : alors que les affrontements entre les armées en présence mettaient en œuvre essentiellement des unités d'infanterie, l'intervention de canonniers-marins se révéla très efficace pour le sort de nos armes. 
 
   Pour des raisons de droits, les photos SCPA qui accompagnaient ces articles n'ont pu être reproduites dans les présents extraits. 
 
 
 
EXTRAIT DU BULLETIN DE L'ASMAC - JANVIER 2001 
PREMIERE PARTIE 
 
 
     Dès le début des hostilités, le manque d'artillerie lourde se fait cruellement sentir, aussi le commandement s'efforce-t-il de combler le déficit en utilisant les matériels de siège et de côte. Il fait appel aux pièces de marine. qui, bien que de modèles souvent anciens, ont une portée permettant des tirs sur les arrières ennemis et une puissance capable de détruire des objectifs abrités. Ces pièces firent l'objet de montages les plus variés: sur canonnières, péniches fluviales, affûts terrestres fixes ou mobiles, tractés sur roues ou sur voie ferrée. C'est ainsi qu'en 1917 on pourra compter un total de 18 batteries servies par des canonniers-marins, constituant la 3ème Division de réserve générale de l'Artillerie lourde, placée sous le commandement d'un contre-amiral, leur emploi restant toutefois décentralisé au sein des grandes unités qui les recevaient en renfort. 
 
   
     En 1914, après la stabilisation de front, mettant à profit l'important réseau de voies navigables et reprenant les plans établis en 1875 par l'ingénieur DISLERE, le Gouvernement décida la construction de canonnières fluviales dans les arsenaux de BREST et LORIENT. Une première série de huit, armées d'un canon de 14(1), une seconde de quatre, armées de deux canons de 10(1). Articulées en trois batteries, elles furent engagées en Belgique, sur la Somme, l'Oise et en Champagne, respectivement la 2ème Batterie de juillet 1915 à mars 1916, la 3ème de septembre 1915 à septembre 1917 et la 1ère d'avril à juillet 1917. 
 
     En complément des canonnières, on utilisera des péniches armées équipées de canons de 16, 19 et 24 (1). Cette flottille fut utilisée notamment en 1917 sur l'Aisne et en Champagne et participa à la phase initiale de l'offensive du 26 septembre 1918. 
 
     Par ailleurs deux groupes d'artillerie lourde sur voie ferrée, équipés l'un en canon de 19(1), l'autre en canon de 305mm, appuyèrent l'offensive de Champagne de septembre 1915 ainsi que l'attaque des Monts de Moronvilliers d'avril 1917. 
 
     Enfin cinq batteries mobiles équipées de canon de 16 (1) et de 155mm GPF ( 2 ), participèrent à la préparation de l'attaque de la IVème Armée de septembre 1918 et accompagnèrent sa progression jusqu'à hauteur d'ATTIGNY-LE CHESNE au Nord de VOUZIERS. 
 
(1) Il s'agit du calibre, exprimé en centimètres. Pour les matériels de l'Armée de terre le calibre est exprimé en millimètres. 
 
(2) Grande Puissance FILLOUX, à flèches ouvrantes permettant un grand angle de tir horizontal ( 60° ). 
 
 
       Ainsi, sous des aspects extraordinairement variés, les canonniers-marins ont apporté à leurs camarades de l'Armée de Terre, un soutien remarquable et particulièrement apprécié, grâce à leur compétence technique, leur sens aigu du devoir et leur capacité d'adaptation à des missions inhabituelles. 
  
     En reconnaissance de leur valeur, le 7 février 1918, le Président POINCARE remettait au contre-amiral JEHENNE, commandant la 3ème Division de réserve générale de l'Artillerie lourde, le drapeau des canonniers-marins, sur lequel figuraient les inscriptions : CHAMPAGNE 1915 / VERDUN 1916 / SOMME 1916 / BATAILLE DE FRANCE 1918. 
 
 
 
 
LES CANONNIERES FLUVIALES 
 
 
     Deux types de canonnières furent construites à BREST et à LORIENT : 
  - une première série, désignée par les lettres A B C D F G H I, et ayant les caractéristiques suivantes : 
   déplacement = 110 tonneaux longueur = 28,50 m largeur = 5m tirant d'eau = 1,20 m 
   vitesse = 9 nœuds ( 16,6km/h ) deux machines et deux chaudières protégées par un blindage 
     Armement constitué d'un canon de 14cm, modèle 1893, placé à l'avant et deux canons de 47mm contre-avions placés à l'arrière. Cette série équipa les 1ère et 2ème Batteries. 
 
 
 
 






Types A B C D F G H I
 
   
- une deuxième série, désignée par les lettres K L M O, aux caractéristiques différentes de la 1ère : 
  déplacement = 180 tonneaux longueur = 28,50 m largeur = 5m tirant d'eau = 1,85 m 
  une seule machine, de 200 CV vitesse = 10 nœuds pont blindé 
  Deux canons de 10cm aux extrémités, deux canons de 47mm placés au milieu. Cette série équipa la 3ème Batterie. 
 
 
 





 
Type K L M O 
   
     L'ensemble des trois batteries constituées en flottille fut placé initialement sous les ordres du capitaine de vaisseau SCHWERER puis commandé à partir du 11 novembre 1915 par le capitaine de vaisseau JEHENNE et, à compter du 20 septembre 1916, par le capitaine de frégate GIGNON, le capitaine de vaisseau JEHENNE devenant Commandant supérieur des canonniers-marins. 
  
     Le 24 juin 1917 le 1er Groupe quitte la Champagne pour la Belgique et le 3ème part le 13 septembre pour SOISSONS. A la fin de l'année les canonnières rejoignent les ports pour être désarmées. Toutefois fin 1918 quatre canonnières de 14 sont réarmées pour constituer la flottille de police et de surveillance du Rhin. 
 
     La 1ère Batterie, comprenant les canonnières A ( l'Ardente ), lieutenant de vaisseau D'HARCOURT, succédant au lieutenant de vaisseau FERLICOT, promu au grade supérieur et cdt de Bie, B ( la Brutale ), enseigne de vaisseau ROUCH, C (la Cruelle), enseigne de vaisseau du CHAYLA, D ( la Décidée ), lieutenant de vaisseau LA MORICIERE, échelon sous le commandement du lieutenant de vaisseau CHOLLET, venant de l'Aisne, rejoint la 3ème Batterie pour participer à l'attaque des MONTS de MORONVILLIERS, du 6 avril au 29 mai 1917. Appelés dorénavant 1er et 3ème Groupes, ces unités tirent respectivement 3 900 et 7 400 coups, toujours à partir des positions entre SAULX et WEZ. 
   
     La 2ème Batterie comprenant les canonnières F (la Furieuse), lieutenant de vaisseau GIGNON (cdt de Bie), G ( la Guerrière ), enseigne de vaisseau GUYOT, H ( sans nom de baptême ), enseigne de vaisseau LETERRIER, et l'échelon, composé de trois péniches pour le transport du charbon, des munitions et des matériels consommables, commandé par l'enseigne de vaisseau de LAMBERTY, arrive le 27 juillet 1915 à VAUDEMANGES sur le canal de l'Aisne à la Marne. 
  
     La 3ème batterie comprenant les canonnières K, lieutenant de vaisseau LECOCQ ( cdt de Bie ), L, lieutenant de vaisseau BERTRAND, M, lieutenant de vaisseau DONVAL, O, lieutenant de vaisseau de BREDA, l'échelon commandé par l'enseigne de vaisseau HOGREL, arrive à VAUDEMANGES le 11 septembre 1915. 
 
      Ces deux batteries occupent des positions de tir échelonnées entre SEPT-SAULX et WEZ et prennent une part très active à l'offensive du 22 septembre au 9 octobre 1915 en exécutant des tirs de contre-batterie et de destruction de cantonnements ennemis. Ces tirs sont observés depuis le Mont SINAI et les FAUX de VERZY. Après avoir fait l'objet de modifications de structure, chaque batterie comprenant deux canonnières de 14 et deux de 10, la 2ème Batterie, composée désormais des canonnières F G M O, fait mouvement début mars 1916 sur COMPIEGNE, et la 3ème Batterie, formée des canonnières H J K L, participe aux opérations de secteur le long du canal de l'Aisne à la Marne. Elles auront tiré, durant cette période, respectivement 5 680 coups de 14, 3 272 coups de 14 et 8076 coups de 10. 
 
       Grâce à leurs qualités intrinsèques : mobilité leur permettant de se transporter en tous points du front desservi par une voie navigable et de s'esquiver rapidement pour se soustraire aux tirs ennemis, facilité de mise en oeuvre par simple ancrage aux berges, performances de leur armement ( champ de tir tous azimuts, cadence de tir de 3 coups / pièce / minute, portée pratique de 15km pour les pièces de 14 et de 13,5km pour celles de 10 ), les canonnières fluviales ont tenu une place originale, efficace et particulièrement appréciée au sein de l'Artillerie de réserve générale, là où un renfort de feux était demandé : Champagne, Somme, Aisne. 
 
     Leur action en Belgique ( qui déborde le cadre de cet article limité aux actions de Champagne ), aussi bien au sein de la 1ère Armée française que sous les ordres directs de l'Armée anglaise, fut remarquable. La réputation des canonniers-marins s'ajouta à la gloire de leurs frères les fusiliers. 
 
 
   
LES PENICHES ARMEES 
 
 
     C'est d'abord la péniche "Saint Joseph" armée d'un canon de 16cm qui fait son apparition à COURMELOIS sur le canal de l'Aisne à la Marne pour participer à l'offensive de septembre 1915. Commandée par le lieutenant de vaisseau LAIGNIER, elle exécute notamment des tirs d'interdiction sur la gare de PONT-FAVERGER. La péniche est ensuite désarmée et son artillerie est installée dans un ouvrage situé au Nord de BACONNES ( fin octobre 1915 ). 
 
   En 1916 le capitaine de vaisseau JEHENNE propose au Haut Commandement d'équiper des péniches de canons de 19cm et 24cm., Mle 1870-1893. La première péniche, "La Marcelle", armée d'un canon de 19cm à JANVILLE dans l'Oise, part pour la Champagne le 7 avril 1917, et, placée sous les ordres du lieutenant d'artillerie REVERS, effectue son premier tir le 14. Elle participe dans le cadre du 1er Groupe de canonniers-marins ( voir article précédent ), aux opérations de secteur. La seconde "La Jeanne d'Arc", équipée également d'un canon de 19cm, rejoint en juin 1917 le 1er Groupe de canonnières. Enfin, en juin 1917, une troisième péniche "La Saverne", reçoit un canon de 24cm, Mle 1870-1893, et effectue ses premiers tirs sur le canal de l'Aisne à la Marne. 
 
     Ces trois péniches constituent, le 20 janvier 1918, le 5ème Groupe de Canonniers-marins et sont engagées entre NOYON et MONTDIDIER, et sur l'Aisne. 
 
     Le 12 juin 1918 la "Marcelle" reçoit un obus de gros calibre et est incendiée ( 1 mort, 2 blessés ). Elle est remplacée le 26 septembre par la "Marcelle II". 
 
       Le 5ème Groupe participe au complet à la phase initiale de l'offensive de la IVème Armée, du 26 septembre au 8 octobre 1918. Les péniches remontent ensuite le canal de la Marne au Rhin pour rejoindre NANCY et STRASBOURG et sont intégrées en janvier 1919 à la Flottille de surveillance du Rhin. 
 
       Les péniches armées, de conception originale et simple, associant au moindre coût une artillerie puissante ( canon de 19cm lançant un projectile de plus de 80kg à 13km / canon de 24cm, obus de 140kg à 17km ), à un moyen de transport non spécifique, fournirent un appoint non négligeable à l'éventail des possibilités des unités fluviales, dont elles assurèrent seules les missions à partir de 1918. 
    
     N.D.L.R. Nos remerciements s'adressent à Messieurs Jean Bonnet, Président de l'Amicale des Anciens Marins de Châlons en Champagne, et Gaston Cretté, Porte-Drapeau, qui ont effectué des recherches auprès du Service Historique de la Marine, et ont bien voulu nous communiquer leurs notes et copies de documents. 
 
 
 
 
 
EXTRAIT DU BULLETIN DE JUILLET 2001 
 
DEUXIEME PARTIE 
 
     Après l'article, paru dans le précédent bulletin, consacré aux canonnières et péniches fluviales, nous évoquerons maintenant quelques aspects des actions menées par les canonniers-marins au sein des batteries d'artillerie lourde sur voie ferrée et des batteries mobiles terrestres. Cette présentation ne prétend pas être complète, elle ne traite pas des batteries fixes, faute d'archives cohérentes. 
   
     Nous remercions encore nos amis anciens marins, MM BONNET et CRETTE, pour l'aide et les encouragements qu'ils nous ont prodigués. 
  
 
L'ARTILLERIE LOURDE SUR VOIE FERREE ( A.L.V.F. )  
 
     L'idée n'était pas neuve ( elle naquit pendant la guerre de Sécession ), et fit l'objet d'essais britanniques en 1825. En 1870, pendant le siège de PARIS, les marins utilisèrent un train blindé, armé de deux pièces de 24 cm. 
 
     En 1888 un projet conçu par le Lt Colonel PEIGNE est expérimenté sans réussir à convaincre l'Etat-major. En 1900 la Maison SCHNEIDER présente des canons sur voie ferrée à l'Exposition universelle... Ce n'est que fin 1914, devant la nécessité de posséder une artillerie puissante ( longue portée et/ou gros calibre ), que les projets furent repris. Sans entrer dans les détails techniques on peut classer ces types de matériels en trois grandes catégories, la liste n'étant pas exhaustive : 
  
     Les matériels tous azimuts, se mettant en batterie en un point quelconque de la voie ferrée, disposant d'un système d'ancrage au sol par vérins. A cette catégorie appartiennent les matériels suivants : 
 

 

  





     
   Le calibre de 240mm constitue une limite, au-delà de laquelle la stabilité du matériel est compromise. 
 
 
     Les canons à glissement, avec ou sans lien élastique, montés sur une poutrelle métallique dont les extrémités reposent sur deux boggies multiessieux. Le pointage s'effectue sur un épi courbe de voie ferrée, spécialement construit, la direction de tir étant tangente à la courbe. Au départ du coup l'ensemble recule en roulant sur la voie, mais est freiné par un système de poutrelles agissant par frottement sur les rails. La pièce doit être ramenée en position après chaque tir. 
 
 

 
 
 

 

 
     Les matériels "à berceau", car munis d'un lien élastique pour le recul, contenu dans un berceau sur lequel glisse la bouche à feu après le départ du coup pour revenir ensuite à sa position initiale. Contrairement aux matériels précédents, ils sont amenés à leur position de tir sur un épi droit construit à partir de la voie normale et amarrés sur plate-forme. Inconvénient : mise en batterie longue, faible champ de tir en direction. 
 
 
 








 
     Il est difficile de citer, parmi ces matériels, ceux qui furent servis par les marins, cette étude étant limitée au front de Champagne. Les documents historiques montrent surtout des canonniers-marins sur les pièces de 19cm. 
   
     Les premières pièces furent livrées en 1915 au nombre de 12. Deux groupes de 3 batteries de 2 pièces furent constitués. Chaque pièce comportait un wagon porte-canon protégé par une "pseudo-tourelle" pivotant sur 360° et un wagon à munitions, le tout blindé. L'équipe de pièce comprenait un chef de pièce et 21 servants. L'ensemble des pièces formait donc un train blindé à bord duquel les marins vivaient en équipage comme sur un navire. 
 
     Nous suivrons plus particulièrement le 2ème Groupe qui a participé aux opérations de 1915 et 1917 en Champagne. De mai à juin 1915, placé initialement sous le commandement d'un artilleur, le chef d'escadron COUADE, il cantonne à SOMPUIS et fait ses écoles à feu à MAILLY, puis de juillet à septembre se trouve à ARZILLERES au sud de VITRY LE FRANCOIS. De septembre à novembre il est basé à SAINTE MENEHOULD d'où il participe à la "2ème bataille de Champagne". Le 25 septembre, en position près de SOMME-SUIPPE, il tire sur les organisations fortifiées de la BUTTE DE SOUAIN, puis, le soir même, reçoit l'ordre de se déplacer vers l'est et occupe une position de tir au BOIS D'HAUZY, près de VIENNE-LA-VILLE, au nord de SAINTE-MENEHOULD. Là il intervient sur les batteries allemandes de SERVON-MELZICOURT et exécute, jusqu'au 13 octobre, des tirs en profondeur sur les gares, routes, batteries et cantonnements ennemis : 1200 coups ont été ainsi tirés durant cette période. 
 
     Nous retrouvons le 2ème groupe en avril 1917 pour l'attaque du massif de MORONVILLIERS. Ayant rejoint la région de REIMS il tire, du 8 avril au 26 juillet, 3 250 obus sur les arrières ennemis. Début septembre les batteries regagnent la région de SUIPPES. 
 
       Bien qu'il ne soit pas lié directement à l'action des canonniers-marins, nous rappellerons l'épisode, tragique pour l'ennemi, du tunnel du MONT CORNILLET, le 20 mai 1917, au cours duquel plus de 700 officiers, sous-officiers et soldats allemands périrent, victimes de l'explosion d'un obus de 400 provenant d'un tir de batterie d'A.L.V.F. 
 
 
 
 
LES BATTERIES MOBILES 
 
 
     Equipées de canons de bord de 16cm, modèle 1887, 1891 ou 93 / 96, sur affûts de marine modifiés, transportables par tracteurs automobiles, d'un poids de 16 t, d'une portée de 18km, avec champ de tir horizontal de 100°, ou de canons de 155mm GPF (Grande Puissance Filloux)(*), à flèches ouvrantes permettant un champ de tir de 60°, relativement léger ( 13 t ) et mobile, d'une portée de 16km. Ces batteries, après avoir eu un rôle statique furent utilisées à leur juste valeur, lors de l'offensive finale de septembre 1918. Nous suivrons certaines d'entre elles, affectées à la IVème Armée. 
 
 
 
     Auparavant quelques notions sur l'organisation de l'artillerie de cette grande unité permettront de mieux les situer. 
 
     Pour l'offensive du 26 septembre 1918, la IVème Armée dispose de 7 corps d'armées (**), regroupant 25 divisions ( 3 ou 4 par C.A. ). Chaque division a sa propre artillerie constituée de 3 groupe "légers" de 3 batteries de 4 pièces de 75 et 1 groupe " lourd " de 3 batteries de 155 court, soit au total 36 pièces de 75 et 12 de 155. 
 
     Au corps d'armée nous trouvons 2 groupes équipés en 105 et 155 longs, soit 24 pièces de chaque. 
 
     L'artillerie d'armée dispose d'unités de réserve générale équipées en pièces de différents calibres (du 75 au 400 ), pouvant servir à la constitution de groupements, soit restant aux ordres directs de l'armée, soit mises en renforcement aux corps d'armée. 
 
     Toute cette artillerie est placée sous les ordres d'un général, Commandant l'Artillerie d'Armée. Ainsi trois groupements ont été constitués : PRIMO, groupement gauche ( Cdt PICHEVIN ), SECUNDO, groupement centre ( Colonel BOURGAIN ), composé comme suit : 1 batterie de 340, 2 batteries de 320, 1 batterie de 285, 1 de 274 et 1 de 16cm, TERTIO, groupement droit ( Colonel US YOUNG ). 
 
 
 
(*) Ce matériel, mis en service en avril 1917, fut adopté par l'Armée américaine et a été l' " ancêtre " du 155 Gun " Long Tom ", qui fit ses preuves lors du dernier conflit mondial et même bien au-delà. 
 
(**) de l'Ouest à l'Est : 4ème C.A. ( 7e, 8e, 163e D.I. ) / 14ème C.A. ( 28e, 68e, 154e D.I. ) / 11ème C.A. (21e, 22e, 61e, 151e D.I.) / 21ème C.A. ( 13e, 43e, 167e, 170e D.I. ) / 2ème C.A. ( 3e, 4e, 14e, 48e D.I. ) / 9ème C.A. ( 157e, 161e, 2e D. Marocaine ) / 38ème C.A. ( 71e, 74e, et 1ère D.C.P. ). 
 
   
     A chaque groupement est affectée une batterie mobile de canonniers-marins de 16cm, respectivement : 
   
  • 3ème Batterie ( Lt de vaisseau de VOGUE ) et 13ème batterie ( Lt de vaisseau TRACOU ), en position dans le Camp de CHALONS (actuel Camp de MOURMELON). 
  •  7ème Batterie ( Lt de vaisseau BOGARD ) en position au sud du TROU BRICOT entre PERTHES-LES-HURLUS et SOUAIN. 
  • 11ème Batterie ( Lt de vaisseau de la VILLEMARQUE ) en position à la Ferme de ROCHAMP, à l'Ouest de BOUREUILLES en ARGONNE et 
  • 16ème Batterie ( Lt de vaisseau MARLOY ) en position près de VIRGINY. 
  • La 15ème Batterie ( Lt de vaisseau d'HARCOURT ), équipée en 155 GPF, est détachée au 4ème Corps d'Armée, où sa conduite lui vaut cette citation (1) à l'ordre du Corps d'Armée, du 25 novembre 1918. 
       Toutes les unités participent à la préparation d'artillerie du 25 septembre déclenchée à 23 heures et, de leurs positions, sont en mesure d'appuyer les attaques visant à conquérir les hauteurs au Nord de SAINTE MARIE A PY - BLANC-MONT et ORFEUIL ( 2, 3 et 4 octobre ). 
 
     Mais à partir du 5, l'ennemi se repliant vers l'Aisne, la majorité des unités d'artillerie lourde à grande portée ( A.L.G.P. ), ne sont plus en mesure d'intervenir, leur mobilité réduite excluant toute participation à la poursuite. 
   
     Seules les batteries mobiles de canonniers-marins possèdent cette capacité, si bien qu'occupant au départ une place modeste dans la masse de l'artillerie d'armée, elles resteront les seules unités représentant l'A.L.G.P. dans la phase d'exploitation. 
   
     Le Général PEYREGNE, commandant l'Artillerie de la IVème Armée confie alors le commandement des batteries de canonniers-marins, rassemblés en un seul groupement, au Capitaine de Vaisseau d'ARVIEU, jusqu'alors adjoint au commandant de l'ancien Groupement centre. 
   
     Les Allemands laissent derrière eux un terrain dévasté. Les reconnaissances effectuées montrent que seules les routes de PERTHES- TAHURE-SOMMEPY, puis Fermes de MEDEAH et de CONSTANTINE vers ATTIGNY à l'Ouest, et la route de SAINTE MENEHOULD à VOUZIERS par MONTHOIS à l'Est, sont praticables aux matériels. Par ailleurs, afin de conserver en permanence leur capacité d'intervention, les batteries se déplaceront par échelons, une pièce en batterie, une sur route. Nous suivrons donc, pour illustrer ce qui précède, les parcours des 3ème, 13ème, 11ème et 16ème Batteries de canonniers-marins ( cf carte ci-jointe ), la 7ème Batterie, après épuisement des munitions et usure complète des tubes, ayant été retirée. 
   
(1) Arrivée en Champagne devant les monts au moment de l'attaque ennemie du 15 juillet 1918 la 15ème Batterie de canonniers-marins, sous les ordres du Lt de vaisseau d'Harcourt, a fait preuve d'un entrain magnifique et contribué par la rapidité et la précision de ses tirs à broyer l'effort de l'ennemi. 
 
     Pendant l'offensive de septembre et la poursuite de l'ennemi en retraite, son ardeur ne s'est pas démentie, malgré les plus grandes difficultés de terrain, donnant ainsi le plus bel exemple de vaillance et d'esprit offensif. 
   
  • 13ème Batterie SOMMEPY FERME de MEDEAH région PAUVRES- COULOMMES et COULOMMES- VAUX- CHAMPAGNE 
  • 3ème Batterie MOURMELON - SAINTE MARIE et BLAISE. 
  • 11ème Batterie ROCHAMP - VIENNE LA VILLE - Bois de la MALMAISON près de MONTHOIS 
  • 16ème Batterie FONTAINE EN DORMOIS - CONTREUVE 
       Sur ces positions elles participent à toutes les actions des 9e, 14e et 11e C.A. ( 13e, 16e et 3e Batteries ) et des 38e C.A. et 1ère Armée U.S. ( 11e Batterie ) 
   
     Le 29 octobre les 11e et 16e Batteries sont retirées et ramenées à SAINTE MENEHOULD. 
 
     Les 3e et 13e Batteries participent très activement aux combats de part et d'autre de VOUZIERS en direction de LE CHESNE, les 1er 2 et 3 novembre. Elles s'apprêtent à passer l'Aisne à VOUZIERS le 6 novembre, mais le Général GOURAUD donne l'ordre de ne faire franchir la rivière qu'aux 75 et aux 105. 
 
     Toutefois la 3ème Batterie est avancée de BLAISE à la gare de VONCQ et la pièce restante de la 13ème, à VAUX CHAMPAGNE. 
 
     A l'Armistice les pièces sont regroupées à SOMME-SUIPPE. Les batteries mobiles avaient tiré 6 000 coups. Les pertes s'élevaient à 2 tués et 4 blessés. 
  
     Pour rendre hommage à ces valeureux marins, le Capitaine de Vaisseau d'ARVIEU écrivait dans son rapport final : 
 
     Je n'ai que des éloges à faire à tous les officiers, sous-officiers et marins placés sous mes ordres. Tous ont rivalisé d'entrain, de courage, de dévouement et de bonne volonté pour ne pas lâcher prise sur l'ennemi, malgré les difficultés considérables des transports de nos matériels, le mauvais état des routes et la rapidité de l'avance de la IVème Armée. Le Général PEYREGNE, Commandant l'Artillerie de la IVème Armée, a bien voulu, par d'assez nombreuses citations, témoigner aux Canonniers-Marins, sa satisfaction pour les services qu'ils ont rendus. 
 
 
 
Colonel ( ER ) Norbert. MERY 
 
 
 
SOURCES. Service historique de la Marine. Fort de VINCENNES. Documents divers sur les canonniers-marins dont le rapport du Cne de Vaisseau d'ARVIEU sur les combats de septembre 1918. 
  E.C.P.A.. Fort d'IVRY. 
 



CANON  CALIBRE  MODELE  MASSE  PORTEE MAX
         
De marine 16cm  1893 60 t  18km 
de côte  19cm  1870-1896  58 t  13.8km 
Schneider  200mm    38 t  11.5km 
de côte  240mm  1884  72 t  17km 
de côte  240mm  1893 -1896 140 t  23 km 
CANON CALIBRE  MODELE  MASSE  PORTEE MAX 
 
 
 
de bord  305mm 1906-1910  208t  30km 
de bordréalésage du 274 274.4mm285mm 1893-1896 120 t  de 21kmà 27km
divers  340mm  1881/1893/1912 183 à 270t  19 à 25 km 
CANON  CALIBRE MODELE MASSE  PORTEE MAX
         
de marine  305mm  1893-1896 140 t  27km 
de marine 320mm réalésage du 305 idem  idem 
de marine  340mm  1912 165 t  40km 
obusier de marine 370mm  1887  130 t  15km 
mortier Filloux  370mm    30 t  10km 
Obusier Saint Chamond  400mm réalésage d'un 34cm    137 t  15km